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Un problème structurel qui n’en finit pas malgré les efforts – Le Sahel

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Dans les banlieues de Zinder, l’accès à l’eau potable constitue un défi quotidien. À Garin Mallam, Zongo, Kara-Kara ou Karkada, presque tous les jours des femmes et des enfants, portant des bidons ou utilisant des charrettes bovines ou asines, ainsi que des pousse-pousse, arpentent les ruelles dès l’aube et, souvent, jusqu’à des heures tardives pour la corvée d’eau. Malgré les initiatives, les efforts des autorités régionales et nationales, ainsi que des services techniques de la Nigérienne Des Eaux (NDE), la pénurie d’eau est intense, persistante et éprouvante pour des milliers de personnes, cela depuis plusieurs années. En attendant la mise en œuvre complète des projets pour une solution durable au problème, des actions immédiates sont souvent initiées pour soulager la population.

Dans plusieurs quartiers de la Ville, l’eau ne coule des fontaines publiques que de manière inconstante, comme c’est le cas à Garin Mallam ou encore à Karakara. Les points d’eau inactifs, et d’autres souvent exploités au-delà de leur capacité, sont sujets à des pannes fréquentes. Des jeunes ainsi que des hommes et femmes parcourent la ville avec des charrettes ou avec des animaux de charge pour se procurer ce liquide précieux pendant les jours de distribution, espérant remplir leurs conteneurs pour une durée minimale de 24 heures.

Représentant du cadi de Garin Mallam, M. Mohamadou Fallalou

Pour faire face à cette situation, la NDE a établi un système de distribution divisant la Ville en deux zones distinctes, Est et Ouest, avec un approvisionnement tous les deux jours. Bien que ce système soit contraignant, il garantit un accès minimum à l’eau pour chaque quartier, tout en prenant en considération les différences géographiques influençant le débit, surtout dans les zones élevées comme Karakara, qui souffrent d’un approvisionnement en eau potable limité. « Je ne paye que les frais du compteur depuis 3 mois. Sinon rien ne s’ajoute à ma consommation car l’eau ne coule pas de mon robinet », déplore M, Ousmane, chef de famille au quartier Sabon Gari situé sur la colline voisine du château d’eau sans activité depuis une trentaine d’années.

Le représentant du cadi (Alkali) de Sabon Gari, M. Mahamadou Mallam Fallalou, témoigne que même avec le système de délestage, il n’arrive toujours pas à avoir de l’eau de son robinet. Mais, à certains endroits l’eau coule, avec une faible pression. « Nous avons dû faire face à des problèmes d’approvisionnement pendant longtemps, mais ces dernières années la situation s’est améliorée. Cependant, à chaque fois que la saison chaude arrive, nous rencontrons à nouveau ces difficultés. Heureusement, pendant la période froide, la situation est plus favorable. Nous nous sommes habitués à ces pénuries d’eau. Au début, nous les avons plutôt acceptées surtout avec ce délestage, mais avec le temps, cela devient de plus en plus problématique, surtout ici dans notre quartier », a-t-il dit.

Face à cette situation, les ménages sont souvent contraints de recourir aux vendeurs d’eau même si les prix sont elevés pour des familles à des revenus modestes. En effet, le bidon jaune de 25 litres se vend à 50 FCFA, voire 100 ou 150 FCFA en période de crise, le tonneau d’eau de 200 litres se vend à 1500FCFA, voire 2000 FCFA par endroit.

Un château d’eau à l’abandon à Garin Mallam depuis plus de 30 ans, un espoir asséché

Dans un silence pesant, entre les collines et les habitations de Garin Mallam, trône un imposant cylindre métallique. Rouillé, rongé par les années, ce château d’eau aujourd’hui inactif était autrefois la promesse d’un avenir meilleur. Trente années se sont écoulées, et cette promesse n’est toujours pas tenue. Construit dans les années 80 avec l’espoir de desservir la Ville en eau potable, l’ouvrage n’a jamais réellement rempli sa mission. Faute d’alimentation suffisante et d’une véritable stratégie de gestion, l’installation n’aura fonctionné que quelques années avant de tomber en panne. Depuis lors, cette infrastructure est restée figée dans le paysage comme un décor, un vestige et surtout comme le symbole d’un échec.

Château d’eau de Garin Malam

« Autrefois, on nous avait dit que l’eau allait couler ici, que nos enfants n’auraient plus à marcher des kilomètres pour aller chercher de l’eau. Mais on attend encore », témoigne un ancien du quartier, regardant le réservoir de métal avec une pointe d’amertume. « Certains foyers peuvent rester jusqu’à 14 jours sans qu’une seule goutte d’eau ne coule du robinet. Ce qui les oblige à acheter de l’eau transportée sur des charrettes. Bien que nous ayons tous des robinets chez nous, l’approvisionnement reste malheureusement, très aléatoire. Nous achetons le bidon de 25 litres à 100 FCFA, mais dès que le charretier doit l’acheminer sur la colline, le prix augmente aussi », a fait savoir Mahamadou Mallam Fallalou, représentant du cadi (Alkali) du quartier Garin Mallam.

Moins de 4 habitants sur 10 ont un accès réel à l’eau potable, à l’échelle de la région

L’accès à l’eau potable est une problématique qui n’en finit pas à Zinder. Elle est notamment liée à un déficit structurel préoccupant au niveau de cette région. Selon les données fournies par la Direction régionale de l’Hydraulique et de l’Assainissement, la région de Zinder compte au total 10.623 points d’eau modernes qui incluent divers types de structures comme les puits cimentés, les forages équipés de pompes manuelles, et les mini AEP. Cependant, indique, M. Mahouwiya Ibrahim, chef de division étude, programmation et statistiques à la direction régionale de l’hydraulique et de l’assainissement de Zinder « ces installations ne suffisent pas à desservir la population rurale qui est de 5.580.973 personnes. En effet, le taux d’accès théorique est de 37,07 %. En d’autres termes, moins de 4 habitants sur 10 ont un accès réel à l’eau potable », précise-t-il.

Chef Division Etude Programmation et Statistique à la Direction Régionale de l’hydraulique de Zinder, M. Mahouwiya Ibrahim

« Cela signifie que la majorité de la population vit sans accès sécurisé à l’eau potable, ce qui est alarmant dans un contexte de réchauffement climatique », déplore M. Ibrahim.

Un accès minimum et équitable à chaque quartier

Face à la pénurie persistante d’eau dans la région de Zinder, la Nigérienne des Eaux (NDE), en collaboration avec la Société de Patrimoine des Eaux du Niger (SPEN), multiplie les initiatives pour soulager les populations et améliorer durablement leur accès à l’eau potable.

Chef d’Exploitation NDE, M. Boukary Djafarou

Dans un contexte où la demande en eau dépasse largement la capacité de production, la NDE a adopté un système de gestion alternée de la distribution. Selon Boukary Djafarou, chef d’exploitation de la NDE, un système de délestage a été mis en place qui divise la ville en deux zones : Est et Ouest. Chaque zone est alimentée 24/48 heures. Ce mécanisme, bien que contraignant, garantit à chaque quartier un minimum d’accès à l’eau, tout en tenant compte des disparités géographiques qui influencent le débit, notamment dans les zones à haute altitude.

Pour renforcer la capacité de production, deux nouveaux forages ont été mis en service à Aroungouza, portant la capacité de production de l’usine locale de 3 600 m³ à 4 000 m³ par jour. « Grâce à ces ajouts, nous avons pu atteindre une production globale de 21 000 m³, un pas important vers l’équilibre entre offre et demande », souligne M. Djafarou.

Cette stratégie permet d’assurer une rotation minimale d’approvisionnement, mais son efficacité est inégalement ressentie selon l’altitude des quartiers. En effet, dans certaines zones en hauteur, l’eau n’arrive que tardivement, parfois entre minuit et 2 heures du matin, voire plus tard.

Des solutions techniques pour stabiliser la production

Au-delà de la répartition géographique, la NDE a engagé des travaux techniques pour éviter les arrêts intempestifs des forages, notamment dans la zone de Ganaram.

« En prolongeant les colonnes d’extraction, les équipes ont réussi à améliorer le contact avec la nappe phréatique, limitant ainsi les interruptions de pompage dues au niveau bas de l’eau. Ces ajustements, bien que techniques, sont cruciaux pour maintenir une production stable face à l’instabilité naturelle des ressources souterraines. Les interruptions de service, liées au tarissement temporaire de la nappe ont été réduites, assurant ainsi une continuité de production », a souligné M. Djafarou, chef d’exploitation de la NDE.

Dans les quartiers historiquement touchés comme Franco où les habitants pouvaient passer jusqu’à trois jours sans eau, un nouveau maillage du réseau a permis une nette amélioration. La pose d’une nouvelle conduite vers Mirriah a notamment permis à ces zones de retrouver un approvisionnement plus régulier.

Consciente des frustrations que peuvent ressentir les habitants, la NDE appelle à la compréhension et à la collaboration citoyenne. « Nous invitons la population à plus de patience et de coopération. Plutôt que de se plaindre sur les réseaux sociaux, il est plus utile de venir vers les structures concernées pour discuter des solutions ensemble », plaide M. Djafarou. Il rappelle également que chaque goutte d’eau livrée résulte d’efforts techniques et financiers conséquents, et que la société œuvre au quotidien pour que personne ne soit laissé de côté.

Enfin, au-delà des données techniques, M. Djafarou souligne l’importance de la coopération entre la NDE et les usagers. Il appelle les citoyens à stocker l’eau lors des créneaux d’approvisionnement et à se rapprocher de la structure pour exposer leurs difficultés plutôt que de se contenter de plaintes sur les réseaux sociaux. « Ce n’est qu’ensemble, dans le dialogue, que des solutions durables peuvent être trouvées », affirme-t-il.

En définitive, l’analyse des données révèle des efforts constants et structurés de la part de la NDE, mais aussi les limites d’un système soumis à la fois à la géographie, aux contraintes techniques et à une pression démographique croissante. Pour un changement durable, ces efforts devront être accompagnés d’investissements à plus grande échelle et d’une implication citoyenne active.

Des solutions alternatives en attendant une réponse structurelle

Des efforts sont déployés pour améliorer la situation à laquelle est confrontée la population même si beaucoup reste à faire. En 2024, quelque 581 équivalents points d’eau ont été réalisés en milieu rural le chef service statistiques de l’hydraulique. Cependant, la ville de Zinder reste en marge de cette dynamique, en raison notamment de la forte pression démographique et du manque d’investissements ciblés sur l’hydraulique urbaine.

L’AD de la ville de Zinder, M. Issoufou Mamane

Face aux problèmes récurrents d’accès à l’eau potable dans la ville de Zinder, les autorités municipales, sous la direction de l’Administrateur Délégué Issoufou Mamane, ont multiplié les initiatives pour soulager la population. Des actions ont été engagées sur fonds propres par la Ville pour faire face à cette crise persistante. « Primo, nous avons construit un château d’eau au niveau des sapeurs-pompiers afin de renforcer l’approvisionnement local », a déclaré l’Administrateur Délégué. Cette infrastructure permet non seulement de soutenir les services d’urgence, mais également d’alimenter les quartiers avoisinants en eau potable.

Conscient des tensions observées les années précédentes, notamment avec la reconversion de certaines activités vers la vente d’eau en période de crise, telles que les ‘’adeydeyta sahou’’ qui se sont convertis au transport et à la vente de l’eau, cette année, la mairie a anticipé. « Bien avant le mois de Ramadan, nous avons acquis, sur fonds propres, deux citernes pour renforcer la distribution », a souligné M. Mamane. Trois jours après cette acquisition, affirme-t-il, le gouverneur de la région de Zinder, le colonel Massallatchi Mahaman Sani, a coordonné avec les services techniques la mise en place d’un programme de desserte visant les quartiers les plus touchés. Un dispositif de distribution gratuite bien rodé a été mis en place depuis plus de deux mois et demi. L’eau est prélevée au niveau du point de vidange de la SORAZ, qui facilite gracieusement le ravitaillement. « Grâce à un fonds mis en place sous la houlette du gouverneur, cinq citernes desservent quotidiennement les quartiers en pénurie. Les frais de carburant sont entièrement pris en charge par la Ville », souligne l’Administrateur.

Un important projet en perspective pour des solutions durables

« Afin de réduire la souffrance des populations de Zinder face à la pénurie d’eau potable, nous avons commencé par tirer des leçons de nos expériences passées. Cette année, dès la fin février, nous avons mobilisé six camions-citernes pour assurer l’approvisionnement. Nous avons estimé le coût de cette opération et nous utilisons trois agents par camion, y compris un chauffeur et plusieurs convoyeurs, pour ravitailler les zones périphériques, dont les quartiers populaires. Globalement, notre objectif est de continuer ce ravitaillement quotidien, soutenu par des partenaires tels que la SPEN, la NDE et le projet Zamtapo, ainsi que par des ressources du gouvernorat. Nous pensons que ces financements nous permettront de poursuivre notre action jusqu’à la fin du mois de mai », explique le gouverneur de la région de Zinder, le Colonel Massallatchi Mahaman Sani.

Mais, estime le gouverneur, des investissements conséquents sont nécessaires, pour résoudre de façon durable le problème d’eau  à Zinder. « Pour l’avenir, il est crucial qu’il y ait une forte intervention de l’État pour remédier au problème d’eau à Zinder. Des informations ont circulé sur un important projet en préparation, mais il n’y a pas encore de calendrier pour son lancement. Si ce projet n’est pas lancé avant février 2026, nous serons obligés de revivre des circonstances similaires, même si nous espérons voir des améliorations. Nous restons confiants qu’il sera possible d’identifier des solutions durables d’ici cette échéance», a déclaré le colonel Massallatchi Mahaman Sani.

La corvée d’eau, un quotidien dans certains quartiers de la ville de Zinder

En effet, le gouvernement nigérien a annoncé un investissement de 80 milliards de FCFA, sur financement de la Banque Africaine de Développement, pour résoudre de manière structurelle le problème d’eau à Zinder, selon le ministre de l’Environnement, de l’Hydraulique et de l’Assainissement, le Colonel Abdoulaye Maizama, lors d’une interview accordée, le jeudi 6 février à la télévision nationale, sur le bilan de sa gestion. Ce projet ambitieux prévoit la réalisation de forages à plusieurs kilomètres de la ville, en raison de la nature géologique du sol local qui complique l’accès à l’eau souterraine.

Ces efforts conjoints entre les autorités locales et nationales témoignent d’une volonté commune de surmonter les défis liés à l’approvisionnement en eau.

En attendant la mise en œuvre complète des projets à long terme, les actions immédiates telles que la distribution d’eau par citernes constituent une bouffée d’oxygène pour les communautés locales. La situation reste néanmoins précaire, et une vigilance continue est nécessaire pour assurer un accès équitable et durable à l’eau potable pour tous les habitants de Zinder.

Rabiou Dogo, ONEP-Zinder

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