Alors que le conflit armé continue de ravager l’est de la République démocratique du Congo (RDC), de nombreuses voix s’élèvent en faveur de solutions non militaires. Parmi elles, une initiative judiciaire majeure : la procédure engagée par la RDC contre le Rwanda devant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, l’organe judiciaire de l’Union africaine (UA) chargé de garantir la protection des droits humains sur le continent.
Déposée le 21 août 2023, cette plainte marque un tournant significatif. La RDC accuse le Rwanda d’avoir violé la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, notamment en soutenant les rebelles du M23 depuis 2021. Kinshasa affirme que ces derniers sont responsables de massacres, de déplacements massifs de populations, de la destruction d’infrastructures et d’actes de pillage. De son côté, Kigali a toujours nié tout soutien au M23.
L’affaire est d’une importance capitale, car il s’agit de la toute première procédure interétatique portée devant la Cour africaine. Jusqu’à présent, seuls 34 États membres de l’UA, dont la RDC et le Rwanda, reconnaissent la compétence de cette juridiction. Ce contentieux pourrait ainsi établir une jurisprudence majeure, en démontrant que les différends entre États africains peuvent être résolus par une instance judiciaire indépendante, plutôt que par la force ou la diplomatie seule. Avant de juger l’affaire sur le fond, la Cour doit d’abord se prononcer sur les exceptions préliminaires soulevées par le Rwanda. Kigali conteste la compétence de la Cour, arguant que les violations alléguées ont eu lieu en dehors de son territoire et que les victimes n’ont pas épuisé les voies de recours internes. En réponse, la RDC souligne que le Rwanda exerce un contrôle effectif sur les forces du M23 en RDC, ce qui justifie la compétence de la Cour. Ce procès constitue un test crucial pour l’Union africaine. En théorie, une décision de la Cour est juridiquement contraignante pour les États concernés, mais son application reste un défi : moins de 10 % de ses décisions ont été pleinement mises en œuvre. L’enjeu est donc double : non seulement établir un précédent en matière de responsabilité des États, mais aussi renforcer l’autorité et l’efficacité de la Cour africaine au sein du système judiciaire continental. Une audience publique s’est tenue en février 2025. Après délibération, la Cour devrait rendre son jugement lors de sa prochaine session, prévue pour juin 2025. Si elle se déclare compétente, le Rwanda devra coopérer et pourrait être contraint à des réparations ou à des mesures correctives. Cette affaire revêt une portée bien au-delà du conflit entre la RDC et le Rwanda. Elle pourrait inciter d’autres États africains à privilégier la voie judiciaire pour résoudre leurs différends et à renforcer la protection des droits humains sur le continent. Son issue sera donc scrutée de près, tant par les gouvernements que par les organisations internationales et les défenseurs des droits de l’homme.
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