top-news-1350×250-leaderboard-1

Transhumance politique et crise d’idéologie dans l’espace politique

Libreville, Vendredi 23 Mai 2025 (Infos Gabon) – Nous assistons médusés à une tempête au sein du Parti Démocratique Gabonais (PDG). Que révèle la valse des démissions au sein du PDG sur la nature des partis politiques au Gabon, et en quoi cette dynamique interroge-t-elle la maturité démocratique et la conscience idéologique des élites comme des citoyens ?

La scène politique gabonaise est en pleine reconfiguration depuis le 30 août 2023. Le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI), dirigé par le président Brice Clotaire Oligui Nguema puis l’entrée du Gabon dans la Vème République ont bousculé les équilibres anciens, provoquant une onde de choc dont l’épicentre reste l’ancien parti unique, le Parti Démocratique Gabonais (PDG).

Jadis tout-puissant, le PDG semble aujourd’hui sombrer dans une tourmente existentielle, marqué par une série de démissions en cascade de ses cadres historiques, désormais désireux de rallier le camp présidentiel.

Ce phénomène pose une double question : que révèle cette valse de démissions sur la nature des partis politiques au Gabon, et comment les citoyens doivent-ils interpréter cette transhumance politique ?

Un parti sans idéologie ne survit pas à la mort du chef

Le PDG est né et s’est consolidé autour d’un homme : Omar Bongo Ondimba. Ce dernier, pendant plus de quatre décennies, a su faire du parti un appareil tentaculaire, garant du statu quo et de la stabilité apparente.

Mais cette force était aussi sa faiblesse : l’idéologie du PDG n’a jamais dépassé la figure du père fondateur. Ni son fils, Ali Bongo Ondimba, ni les autres cadres du parti n’ont su – ou voulu – redéfinir une ligne doctrinale claire, ancrée dans une vision de société structurée.

Dès lors, lorsque le régime d’Ali Bongo s’est effondré sous le poids de l’usure, de la contestation populaire et de la rupture institutionnelle d’août 2023, le parti s’est retrouvé orphelin.

Ce n’est pas tant le PDG qui s’est effondré que le lien personnel entre le pouvoir d’État et un réseau d’allégeance. En l’absence de vision, de débat interne et d’adhésion idéologique, l’instinct de survie politique a pris le relais.

De quoi donner raison au philosophe politologue – italien, Norberto Bobbio, qui disait « Un parti sans idéologie est comme un navire sans boussole : il peut flotter, mais il ne sait où aller ».

La transhumance comme système de rédemption politique

Les démissions actuelles des anciens barons du PDG ne sont pas des ruptures politiques, mais des reconversions opportunistes. En réalité, ces figures politiques ne changent ni de convictions (qu’elles n’ont jamais vraiment eues), ni de valeurs (qu’elles n’ont jamais clairement défendues), mais simplement de camp.

Le pouvoir ayant changé de main, il s’agit pour elles de réorienter leur loyauté pour conserver un accès aux privilèges, aux ressources, voire aux futures investitures.

Ce phénomène n’est pas propre au Gabon. La transhumance politique est un mal largement répandu dans les démocraties fragiles où les partis ne sont pas des vecteurs d’idées, mais des écuries électorales.

Mais dans le cas du PDG, cela prend une tournure tragique : le parti, jadis symbole d’unité nationale, est en train de se vider de sa substance dans une atmosphère de débandade.

Et le peuple dans tout ça ?

Face à cette valse des ralliements, une question s’impose : que doit en penser le peuple ? Beaucoup de Gabonais, désabusés, observent cette transhumance avec cynisme.

Pour eux, il ne s’agit que d’un recyclage d’élites, incapables d’autocritique, encore moins d’initiatives nouvelles. La promesse de rupture portée par la transition risque ainsi d’être minée si elle s’entoure des visages d’hier.

D’autres, plus fatalistes, y voient le reflet d’une culture politique enracinée : le pouvoir attire, le pouvoir récompense, le pouvoir absorbe. Il ne faut pas être idéaliste dans un pays où la politique a rarement été le lieu du débat d’idées, mais souvent celui du partage des dividendes de l’État.

Mais il existe aussi une jeunesse qui observe, qui note, qui s’interroge. Une jeunesse qui n’a jamais milité au PDG ni dans aucun autre parti, mais qui aspire à autre chose : des projets clairs, des leaders intègres, des institutions qui survivent aux hommes.

Vers un nécessaire sursaut politique

La crise du PDG est peut-être une opportunité historique. Elle met à nu les limites d’un système partisan basé sur le culte du chef, l’absence de débat et la confusion entre État et parti. Mais elle invite aussi à penser l’après.

L’avenir du Gabon ne peut pas reposer sur des hommes seuls quels que soient leurs charismes ni sur des coalitions de circonstance. Il doit s’appuyer sur des partis forts, porteurs d’idées, capables de jouer leur rôle dans une démocratie pluraliste.

Les citoyens gabonais, eux, doivent garder leur lucidité. Tous ceux qui quittent un navire qui coule ne sont pas nécessairement de bons marins pour la traversée à venir. Il faudra juger les actes, pas les discours ; les engagements, pas les allégeances. Car si les partis ou les acteurs politiques changent de forme au gré des circonstances, le peuple, lui, reste l’arbitre et le souverain ultime.

FIN/INFOSGABON/FW/2025

Copyright Infos Gabon

Crédito: Link de origem

Leave A Reply

Your email address will not be published.