Le Sénégal a toujours oscillé entre des leaders réformateurs, voulant impulser un véritable changement, et une élite conservatrice cherchant à maintenir l’ordre établi. Dans les deux cas, une partie de la population sénégalaise, au lieu de soutenir ces réformateurs, s’est retrouvée, volontairement ou involontairement, à servir les intérêts de ceux qui les oppressent.
Deux tentatives de transformation en profondeur du Sénégal
- Mamadou Dia : le développement autocentré et la rigueur :
À l’indépendance, Mamadou Dia incarne une vision progressiste et rigoriste du développement économique. Il prône un modèle basé sur la planification économique, l’autosuffisance alimentaire, l’industrialisation locale et l’émancipation véritable du pays vis-à-vis de la France. Il voulait mettre au travail les Sénégalais, en supprimant les rentes clientélistes et en promouvant une agriculture moderne et collective. Son approche était perçue comme trop rigide par certains, notamment les marabouts influents et l’élite économique, qui craignaient la fin des privilèges.
Résultat : coup d’État institutionnel de 1962 orchestré par Senghor avec la complicité de l’Assemblée nationale et d’une partie de la population. Mamadou Dia est emprisonné pendant 12 ans.
- Diomaye-Sonko : la rupture anti-système et la souveraineté économique
Après 60 ans d’un modèle économique néocolonialiste, Diomaye et Sonko prônent un redressement radical du pays : lutte contre la corruption, souveraineté économique, exploitation rationnelle des ressources naturelles (pétrole, gaz, zircon), et réforme de l’administration. Comme Mamadou Dia, ils veulent remettre les Sénégalais au travail, en réduisant les opportunités de prébendes et en instaurant une justice plus stricte. Mais ici encore, une partie de la population, notamment les bénéficiaires du système ancien, résiste à ce changement. Ils alimentent les tensions, attisent la frustration et cherchent à maintenir les habitudes du passé.
Une élite toujours prête à trahir le changement
Dans les deux cas, l’opposition au changement vient principalement :
- De l’élite politico-religieuse et économique, qui craint de perdre ses privilèges acquis sous le système néocolonial.
- D’une frange de la population manipulée, qui, au lieu de soutenir les réformes, se rallie à ceux qui défendent le statu quo.
En 1962, les députés ont été le bras armé du coup d’État contre Mamadou Dia, soutenus par une campagne de désinformation le faisant passer pour un dictateur. Aujourd’hui, certaines forces cherchent à isoler Diomaye et Sonko en les présentant comme incompétents ou dangereux.
Pourquoi le peuple trahit-il ceux qui veulent l’émanciper ?
La trahison populaire n’est pas forcément consciente, mais elle résulte de plusieurs facteurs:
- L’ignorance et la manipulation : la propagande est un outil puissant. Beaucoup de Sénégalais n’ont pas toujours conscience des véritables enjeux.
- La peur du changement : un peuple habitué à un système injuste mais prévisible préfère parfois le statu quo à l’inconnu.
- Le confort des petits privilèges : certains Sénégalais, même s’ils souffrent, préfèrent un système qui leur permet de « survivre » plutôt qu’un changement qui exigerait un effort collectif.
Conclusion : une malédiction sénégalaise ?
À chaque fois qu’un leader veut redresser le pays en responsabilisant son peuple, il finit trahi, isolé ou renversé. Mamadou Dia en 1962. Diomaye et Sonko aujourd’hui font face aux mêmes résistances.
La question est : le Sénégal a-t-il enfin appris de son histoire ou est-il condamné à reproduire ce cycle éternel de trahison des réformateurs ?
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