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Mali : TV5Monde éjectée des ondes

Le Mali coupe le signal de TV5Monde : nouvelle sanction contre un média français à Bamako

Bamako, 13 mai 2025 – Dans le ciel médiatique malien, un nouvel orage a éclaté. La Haute Autorité de la Communication (HAC) a tranché : la chaîne francophone TV5Monde, pilier de l’information internationale, a été bannie des bouquets de diffusion au Mali, rejoignant ainsi RFI et France 24 dans la liste des médias français proscrits. Cette décision, annoncée vendredi dernier, s’appuie en effet sur des accusations de « violations des textes régissant la régulation des médias », pointant un journal Afrique diffusé le 3 mai 2025. À l’origine du courroux : un traitement jugé « partial » et des propos qualifiés de « diffamatoires » à l’encontre des Forces armées maliennes (FAMA). Ce nouvel épisode, loin d’être anodin, illustre la détermination de Bamako à contrôler son récit national, dans un contexte de tensions accrues avec la France.

Accusations de partialité : le reportage qui a coûté sa place à TV5Monde

Le 3 mai, un reportage de TV5Monde consacré aux récents affrontements dans le nord du Mali a mis le feu aux poudres. Selon la HAC, l’émission a manqué d’équilibre en privilégiant des sources extérieures, sans relayer la version officielle des FAMA, diffusée par la Direction de l’Information et des Relations Publiques de l’Armée (DIRPA). Pire, le journal a tenu des propos que les autorités ont jugés attentatoires à l’honneur des forces maliennes, les accusant d’exactions sur la base de témoignages non vérifiés.« TV5Monde a manqué de la prudence élémentaire qu’exige le journalisme », fustige la HAC dans son communiqué, invoquant un décret de 2016 pour justifier la suspension immédiate de la chaîne.

Pas un cas isolé : les médias français, cibles d’une stratégie d’éviction géopolitique

Par ailleurs, cette sanction n’est pas une première. En septembre 2024, TV5Monde avait déjà écopé d’une suspension de trois mois pour un « manque d’équilibre » dans sa couverture des frappes de drones à Tinzaouatène, où au moins 15 civils avaient péri. Un avertissement similaire avait été adressé en mai 2023 pour des « manquements » comparables. RFI et France 24, quant à elles, sont interdites depuis mars 2022, accusées de relayer de « fausses allégations » sur des abus de l’armée malienne. Cette série de mesures dessine un schéma clair : sous le gouvernement de transition dirigé par le colonel Assimi Goïta, le Mali resserre son emprise sur l’espace médiatique, ciblant particulièrement les voix françaises.

En outre, cette décision s’inscrit dans un climat de rupture profonde avec la France, ancienne puissance coloniale. Depuis 2021, Bamako a opéré un virage stratégique, rompant les accords militaires avec Paris, expulsant les troupes françaises et se tournant vers de nouveaux partenaires, comme la Russie et la Turquie. Les médias français, perçus comme des relais d’une influence néocoloniale, sont ainsi devenus des cibles privilégiées. « La HAC ne tolérera pas que des chaînes étrangères déforment notre réalité pour servir des agendas extérieurs », a déclaré un responsable malien proche du dossier, sous couvert d’anonymat.

La bataille du récit : Bamako veut imposer sa version, Internet résiste

Sur les réseaux sociaux, la suspension de TV5Monde suscite un vif débat. Certains internautes saluent une « victoire contre la propagande française », tandis que d’autres déplorent une atteinte à la liberté d’information. « Sans RFI, France 24 ni TV5Monde, comment accéder à des perspectives internationales ? » s’interroge une étudiante bamakoise, reflétant l’inquiétude d’une partie de la population. France Médias Monde, maison-mère de TV5Monde, a réagi avec fermeté, contestant « une mesure injustifiée » et promettant d’explorer « toutes les voies de recours » pour rétablir sa diffusion.

Au cœur de cette affaire, une question fondamentale : qui raconte le Mali ? Le gouvernement malien accuse les médias occidentaux de biaiser la perception des combats contre les groupes djihadistes et les rébellions touarègues dans le Nord. Les FAMA, glorifiées comme rempart contre le chaos, sont aussi un symbole intouchable pour le Gouvernement. Tout discours les mettant en cause est perçu comme une tentative de déstabilisation, dans un pays où la transition politique reste fragile.

La HAC, en suspendant TV5Monde, ne se contente pas de sanctionner une chaîne : elle envoie un message à l’ensemble des médias internationaux. L’interdiction, assortie d’un retrait des bouquets des distributeurs comme Canal+ et Malivision, vise à limiter l’accès des Maliens à des narratifs divergents. Pourtant, cette stratégie n’est pas sans failles. Des Maliens contournent les restrictions via des décodeurs pirates ou des sites miroirs, comme ceux mis en place par RFI et France 24 en partenariat avec Reporters sans frontières. « L’information trouve toujours un chemin », assure un technicien de Bamako.

Le Mali a banni la chaîne française TV5Monde de ses bouquets, accusant un reportage de partialité envers l'armée, Un coup de semonce pour la liberté de la presse : l’isolement médiatique du Mali s’accroît

Cette nouvelle suspension ravive les critiques des organisations de défense des médias. Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) avait déjà qualifié, en 2022, les interdictions de RFI et France 24 de « grave atteinte à la liberté de la presse ». L’Union européenne, de son côté, a dénoncé des mesures « inacceptables » qui risquent d’encourager l’autocensure. Au Mali, où les médias locaux opèrent sous une surveillance accrue, cette mainmise sur l’information pourrait étouffer les voix critiques, au moment où le pays fait face à des défis sécuritaires et économiques colossaux.

En somme, sous le soleil brûlant de Bamako, la suspension de TV5Monde résonne comme un coup de semonce. Elle marque une étape supplémentaire dans la quête du Mali pour affirmer sa souveraineté narrative, au prix d’un isolement médiatique croissant. Mais dans ce bras de fer, une vérité persiste : l’information, même muselée, a la ténacité de l’herbe qui perce le bitume. À l’heure où le Mali redéfinit son destin, la bataille pour la parole n’a jamais été aussi vive.


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