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Maladie du mycétome : Un défi pour les communautés arides

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Assise sur un seau retourné, la Kényane Joyce Lokonyi tresse de ses doigts des feuilles de palmier faute de pouvoir exercer une activité plus physique, son pied droit ayant été amputé du fait du mycétome, une maladie peu connue ravageant les zones arides.

Cette infection fongique ou bactérienne pénètre dans l’organisme par n’importe quelle plaie ouverte, aussi minuscule soit-elle. Commençant par de minuscules bosses sous la peau, elle conduit progressivement à l’érosion des tissus, des muscles, puis des os.

La maladie est endémique dans la « ceinture du mycétome », qui comprend la Somalie, le Soudan, le Yémen et le nord du Kenya. Mais les fonds et la recherche pour y faire face font cruellement défaut. Et les médicaments sont souvent inaccessibles aux victimes: jusqu’à 2.000 dollars pour une année de traitement, pour des familles qui gagnent parfois à peine quelques dizaines de dollars par mois.

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Joyce Lokonyi, 28 ans, raconte avoir été infectée « par une épine ». Elle se souvient qu’elle était, avant que le mal ne la consume, « capable de marcher un peu, bien que la maladie ait mangé tous (ses) orteils ».

Son mari a vendu ses chèvres pour qu’elle puisse se soigner, mais cela n’a pas suffi. L’os de son pied droit a été atteint. L’amputation est devenue inévitable.

« J’ai accepté parce que j’ai vu que (le mycétome) allait me tuer », explique la jeune mère d’une fillette de 2 ans, près de laquelle des béquilles usées sont posées au sol. Mais « je suis devenue une bonne à rien », se lamente-t-elle. « Je ne peux rien faire. »

– Maladie négligée –

A cette souffrance morale s’ajoute la douleur d’avoir été stigmatisée, puis rejetée, par sa communauté quand l’infection la ravageait. « Les gens disaient que quand j’allais chez eux, j’allais les infecter en laissant des traces de la maladie », se rappelle Joyce Lokonyi. Son amputation a heureusement mis un terme à sa mise à l’écart.

Le mycétome est un mal méconnu, qui n’a intégré qu’en 2016 la liste des maladies tropicales dites « négligées » de l’Organisation mondiale de la santé. L’ignorance et les erreurs de diagnostic restent très répandues. « Les médecins ne connaissent pas la maladie », explique à l’AFP Borna Nyaoke-Anoke, responsable de la recherche sur le mycétome au sein de l’initiative Drugs for neglected diseases (DNDi – des médicaments pour les maladies négligées, NDLR).

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Le mycétome touche de manière disproportionnée les communautés rurales d’agriculteurs et d’éleveurs, selon cette ONG. Comme celles du comté de Turkana, le plus pauvre du Kenya, où vit Joyce Lokonyi. Mais aussi Erot Ikeny, un autre malade, qui raconte à l’AFP des « douleurs tellement fortes » qu’il peut parfois « les ressentir dans son coeur ».

A Turkana, 70% des habitants survivent sous le seuil de pauvreté. Le système de soins est limité et difficile d’accès. La population locale, analphabète à 80%, se tourne souvent vers la médecine traditionnelle, explique Ekiru Kidalio, la directeur de l’hôpital de Lodwar, le chef-lieu du comté.

Lorsque les malades du mycétome arrivent dans son établissement, ils ont atteint un stade « déjà tellement avancé qu’il n’est pas facile d’y remédier », observe-t-il encore, dans un système de santé kényan par ailleurs débordé.

– Pas d’intérêt –

A l’hôpital de Lodwar, le technicien de laboratoire John Ekai est devenu en quelque sorte le spécialiste local du mycétome. « Personne ne s’y intéresse », déplore-t-il, tout en examinant un échantillon suspect à l’aide de son microscope.

Homme de confiance des infortunés infectés, s’occupant d’eux avec un sens de l’humour qui les met à l’aise, John Ekai affirme avoir été confronté à une centaine de patients sur la dernière année, dont cinq à peine ont guéri.

Nombre d’autres ont tout simplement disparu dans les plaines sèches de Turkana après être passés entre ses mains. Chez ceux-ci, « le mycétome va grandir et grandir et peut-être… conduire à l’amputation », s’inquiète-t-il.

Jennifer Ekal, qui a contracté la maladie à l’âge de 11 ans, est, elle, venue consulter John Ekai. « J’étais à l’école mais j’ai décidé de partir à cause de mon pied », narre cette jeune mère de 19 ans tout en montrant son extrémité enflée et douloureuse, cachée sous un torchon rouge et blanc.

Quatre doses de médicaments par jour semblent l’aider. Sans toutefois la tranquilliser. Alors qu’elle prend Bianca, 3 ans, dans ses bras, Jennifer Ekal admet s’inquiéter de son avenir. « Je ne veux pas penser au pire », dit-elle, sans oser prononcer le mot « amputation« .

Source : Agence France-Presse

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