Une étape décisive vient d’être franchie dans la quête de vérité sur le massacre de Thiaroye, survenu le 1er décembre 1944, avec la découverte de squelettes humains portant des impacts de balles dans le cimetière militaire de Thiaroye, à la périphérie de Dakar. Cette révélation émane de fouilles archéologiques inédites entreprises depuis début mai par une équipe sénégalaise mobilisée pour faire la lumière sur cet épisode tragique de l’histoire coloniale.
Ces fouilles, menées dans le cadre d’un processus officiel enclenché par l’État du Sénégal, visent à établir les faits avec rigueur scientifique, en réponse à des décennies de zones d’ombre et de déni. « Des squelettes humains ont été découverts avec des balles dans le corps, au niveau de la poitrine pour certains. Les balles sont de calibres différents. Pour le moment, c’est une petite section du cimetière qui a été fouillée », a indiqué une source proche du dossier, citée par l’Agence France-Presse.
Ces découvertes viennent renforcer les travaux d’historiens africains et internationaux qui, depuis des années, contestent la version officielle française selon laquelle 35 tirailleurs auraient été tués ce jour-là. Plusieurs chercheurs avancent un bilan humain bien plus lourd, allant jusqu’à 400 victimes. Les tirailleurs africains, originaires du Sénégal et d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest, avaient été démobilisés après avoir combattu pour la France pendant la Seconde Guerre mondiale. Ils réclamaient simplement le paiement de leurs arriérés de vente.
Dans un article publié le 5 juin, le quotidien français Le Monde souligne que « ces restes retrouvés avec des impacts de balles viennent pour la première fois confirmer matériellement le récit de l’exécution sommaire d’un nombre encore inconnu de tirailleurs à Thiaroye ». Le journal rappelle également que des archives françaises déterminantes restent à ce jour inaccessibles au public.
Face à ce silence persistant, le Sénégal a décidé de prendre les devants. Le 19 février 2025, le gouvernement avait officiellement lancé les fouilles pour « la manifestation de toute la vérité » et décrété les rétentions d’informations de la partie de la France. En avril, un comité d’experts sénégalais avait été mis en place pour produire un rapport détaillé sur le massacre. Celui-ci, attendu le 3 avril, n’a pas encore été rendu public.
La reconnaissance officielle du massacre par la France, intervenue le 30 novembre 2024 à la veille du 80e anniversaire de la tuerie, a constitué un tournant, mais demeure insuffisante au regard des attentes des familles des victimes et des défenseurs de la mémoire historique africaine.
Au-delà de la dimension symbolique, les fouilles engagées à Thiaroye incarnent une volonté politique claire : celle de restaurer la dignité des victimes, de lutter contre l’oubli et d’asseoir une souveraineté mémorielle, gage d’une réconciliation véritable avec le passé colonial.
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