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L’épopée d’Attoumane Kolloemi et de ses héritiers – Aïr Info


En cette ère de réécriture de l’histoire du Niger, il est essentiel de redonner vie aux figures oubliées de la résistance anticoloniale, ces héros dont les noms ont été effacés des manuels scolaires et des récits officiels. Parmi eux, Attoumane Kolloemi, chef charismatique de la résistance du Kawar, incarne la lutte acharnée contre l’oppression coloniale. Son histoire, ainsi que celle de ses descendants, mérite d’être racontée comme un chapitre majeur de l’histoire du Niger.

Attoumane Kolloemi : Le lion du Kawar

Né vers 1880 à Djado, Attoumane Kolloemi, également appelé Athman Kolloemi, devint l’une des figures emblématiques de la résistance à la pénétration coloniale française dans la région du Kawar. Dès 1906, il prit la tête d’un mouvement de résistance qui tint le maquis jusqu’en 1950, infligeant de lourdes pertes aux forces coloniales. Son combat, marqué par des batailles mémorables, s’étendit sur près de cinq décennies, faisant de lui un symbole de la résistance anticoloniale.

Les premières années de sa lutte furent marquées par des affrontements sanglants. En 1906, à Djado, le Sergent Pacot, l’un des tous premiers colons, trouva la mort. Trois ans plus tard, en 1909, le lieutenant Dromard fut mortellement blessé au puits d’Achigour par un homme d Attoumane Kolloemi, un événement qui conduisit à l’érection d’un monument en hommage au lieutenant d infanterie Amédée Dromard à Bilma, toujours visible non loin de la préfecture.

Par ailleurs le fort de Bilma construit en 1907, actuel siège de la Brigade territoriale de la gendarmerie de Bilma, a été baptisé Fort Dromard, ce fort devint un symbole de la présence coloniale dans la région, mais aussi un rappel des défaites infligées par les résistants.

De 1906 à 1950, Attoumane Kolloemi et ses hommes livrèrent de rudes batailles aux colons, semant la terreur parmi les troupes françaises, nécessitant même la création des sections meharistes et du corps des goumiers. Les combats furent nombreux et meurtriers : à Agadem en 1908, à Emi Madama en 1909, à Chirfa en 1911, et bien d’autres encore.

Chaque affrontement renforça la légende d’Attoumane, dont la témérité et la stratégie militaire firent de lui un adversaire redoutable.

La stratégie coloniale : chantage et terre brûlée

Face à la résistance tenace d’Attoumane, les colons adoptèrent des tactiques brutales pour le démoraliser et l’isoler. En 1920, ils incendièrent la palmeraie de Sigguidine, déportant plusieurs familles, dont celle d’Attoumane, à Agadez. En 1921, le Capitaine Rottier ordonna l’incendie de la palmeraie de Djado, détruisant ainsi le cœur de la résistance et provoquant le dépeuplement de la région.

Malgré ces épreuves, Attoumane refusa de se soumettre. En 1932, les colons tentèrent de négocier une « paix des braves », lui offrant la libération de sa famille et la chefferie du canton de Djado. Attoumane déclina l’offre, préférant reprendre le maquis dès 1933, lorsque les colons établirent un poste fixe à Chirfa. Sa détermination ne faiblit jamais, même après son arrestation en 1952 au Fezzan, en Libye.

Transféré à Agadez pour y être jugé, il fut finalement relaxé après un séjour à la prison de Bilma, les autorités coloniales craignant les conséquences d’une condamnation.

Wardougou Attoumane mi : L’héritier du flambeau

À partir de 1950, âgé de 70 ans, Attoumane passa le commandement de la résistance à son fils, Wardougou. Ce dernier s’avéra être un digne héritier, poursuivant la lutte avec la même ferveur que son père. Installant son quartier général dans une grotte près d’Orida, Wardougou mena plusieurs attaques audacieuses contre les forces coloniales. Le 15 mai 1951, il infligea une défaite cuisante à une patrouille dirigée par le Lieutenant Lejeune, tuant un garde et blessant plusieurs soldats.

La résistance de Wardougou se poursuivit jusqu’en 1956, date de la « pacification du Djado ». Le 14 février 1956, lors d’une bataille acharnée à Zouzoudinga, Wardougou et ses hommes, à court de munitions, firent face à un déluge de feu. Wardougou fut tué, mais ses compagnons, refusant de fuir, choisirent de mourir en héros. Sa mort marqua la fin d’une ère, mais aussi le début d’une légende.

Un héritage oublié

Attoumane Kolloemi, craint et admiré, fut pour le Kawar ce que Omar Mokhtar fut pour le Fezzan. Pourtant, son nom reste largement méconnu, effacé par les récits coloniaux et l’oubli collectif. Mort en exil en 1986 à l’âge de 106 ans, il laissa derrière lui un héritage de résistance et de dignité.

Aujourd’hui, alors que le Niger revisite son histoire, il est temps de rendre hommage à ces héros oubliés du Kawar. Leur combat, marqué par des sacrifices immenses, mérite d’être inscrit dans la mémoire collective, non seulement comme un acte de résistance, mais aussi comme une source d’inspiration pour les générations futures.

KOCHI MAINA Abari

Aïr-Info Agadez

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Sources :

Résistance à la pénétration coloniale : Les héros oubliés du Kawar. de Albadé Abouba, Sous-Préfet de Bilma en 1992. Document écrit à partir des archives coloniales de Bilma

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