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La « France Dégage » … et indemnise (Par Henriette Niang Kandé)

Le Président Bassirou Diomaye Faye a demandé le départ des troupes françaises du Sénégal dans le cadre d’un nouveau positionnement souverainiste dicté par la trajectoire du Pastef. Chose non négligeable, la requête sénégalaise est concomitante à celle du Tchad, pourtant allié historique de la France en Afrique.

 

Il faut dire que les Français étaient déjà dans une reconfiguration de leur présence stratégique en Afrique, notamment dans le cadre du rapport Jean-Marie Bockel et après les affronts au Mali, au Burkina et au Niger où les troupes ont été sommées de partir sans ménagement, par les dirigeants putschistes de ces pays. Emmanuel Macron voulait réduire la voilure et passer pour les Éléments Français au Sénégal de 350 à moins de 100 hommes sur les 5 emprises au total. Si le départ des troupes françaises du pays, dans le cadre de la réorganisation de la présence militaire hexagonale, qui est un événement marquant sur le plan politique, a fait l’objet de commentaires divers et variés, il en est un autre qui mérite également d’être mis en lumière. Il s’agit de l’impact du départ des Éléments français sur le personnel sénégalais qui était jusque-là à leur service.

En effet, près de 162 employés civils vont se retrouver au chômage pour un motif qui relève de la seule et unique coquetterie diplomatique. Il n’y a en vérité aucune corrélation entre souveraineté et présence militaire étrangère. Surtout que les bénéfices pour les capacités opérationnelles de nos armées sont sans équivoque. Quoi qu’il en soit, la France a décidé d’indemniser dignement ses employés sénégalais, après la décision brutale de la faire partir. Ainsi, dès l’annonce effective du retrait, les EFS ont saisi l’inspection du Travail pour organiser les licenciements. Les concernés ont été indemnisés décemment avec rigueur et méthode. Il convient ici de souligner le geste de solidarité et de respect qui s’est manifesté à travers le traitement réservé aux employés sénégalais. Ce départ, plutôt qu’une simple rupture de contrat ou un simple règlement de comptes administratifs, s’est transformé en une réelle reconnaissance de la valeur des employés sénégalais dont certains servent les EFS depuis plus de trente ans.

En plus des indemnisations, les EFS ont voulu accompagner la transition des personnes désormais au chômage, en vue de leur permettre de rebondir là où les autorités sénégalaises ont brillé par leur absence. Ainsi, les EFS ont organisé le 6 mars 2025, un forum des métiers au Quartier Geille avec la présence de près de 70 entreprises venues trouver la perle parmi les nouveaux demandeurs d’emplois. La démarche selon les concernés, s’est avérée être une marque de respect envers ceux qui ont contribué, souvent pendant des années, au succès de ces entreprises. Les soldats français ont décidé de partir non seulement en apportant un soutien financier à leurs collaborateurs, mais aussi en leur garantissant une indemnisation adéquate, dans le respect des droits du travail, avec égard et décence. Contrairement aux usages qui deviennent récurrents dans notre pays.

Depuis avril 2024, des milliers de personnes sont licenciées sans aucune base légale. Parfois des employés disposant même de CDI et accusés ou soupçonnés d’être de l’ancienne majorité présidentielle sont brusquement licenciés ou voient leur contrat suspendu du jour au lendemain, si ce n’est une proposition de départ « volontaire », qu’on demande de signer de force, sans préavis, ni indemnités. Les raisons officielles avancées sont les difficultés budgétaires et la nécessité d’assainir les finances publiques. Mais, une politique d’austérité peut-elle justifier une telle brutalité et une telle mise à l’écart des règles fondamentales de protection sociale ?

Le traitement désastreux des personnels licenciés dans les entreprises publiques fait l’actualité depuis plusieurs mois, sans qu’aucune solution durable, dans le respect de la dignité humaine, ne soit envisagée. Le contraste entre les deux situations pose une question fondamentale sur la gouvernance et la gestion des affaires publiques. Le respect des travailleurs ne devrait pas être un privilège accordé par des puissances étrangères, mais un principe intégré au cœur des politiques nationales. Le souci de justice semble cependant échapper aux nouvelles autorités sénégalaises., qui procèdent à des vagues de licenciements massifs dans la fonction publique. Derrière ces décisions, ce sont des familles entières qui se retrouvent du jour au lendemain sans ressources, sans accompagnement, sans alternative. Le droit du travail, qui garantit normalement une protection minimale aux employés, est allègrement bafoué. Or la rupture et la « transformation systémique » appellent les auteurs du slogan, à une prise en charge effective des notions de justice sociale, d’équité et de solidarité. La contradiction est flagrante. La gestion du personnel licencié des EFS est symptomatique d’un respect qui contraste avec la peinture d’une France « pilleuse et inhumaine » qu’il faudrait bannir et à qui il faudrait dire « Dégage ». Les EFS ont montré la voie à l’État. Si licencier est obligatoire, accompagner devrait aussi l’être en vue de permettre une transition en douceur.

Pourquoi ne pas étendre cette pratique des EFS aux entreprises publiques et privées ? Pourquoi ne pas faire de cette indemnisation décente un modèle de bonne gouvernance au Sénégal ? Si l’État français, accusé et pointé du doigt depuis des années au nom du souverainisme, a su faire preuve de responsabilité, il serait peut-être temps pour les autorités locales de garantir des conditions de travail ou des indemnisations décentes et respectueuses de la dignité des employés.

Le slogan « France Dégage » devrait être enterré définitivement car c’est à nous de montrer que nous nous soucions des Sénégalais en situation d’incertitude consécutive à la perte de la dignité de l’emploi…En effet, quid de nous autres vis-à-vis de nous-mêmes ?

Henriette Niang Kandé

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