top-news-1350×250-leaderboard-1

Entre raréfaction du poisson et actions pour augmenter la production halieutique – Le Sahel

Partager vers les réseaux

Le Niger dispose de vastes étendues d’eau avec environ 410 000 hectares de plans d’eau selon le Plan d’Action Nationale de Gestion Intégrée des Ressources en Eaux (PANGIRE), comprenant le fleuve Niger, le lac Tchad, la rivière Komadougou Yobé, ainsi que de nombreuses mares et retenues artificielles. Ces ressources aquatiques sont essentielles pour la pêche, qui fait vivre de nombreuses communautés à travers le pays. Il y est répertorié plus de 112 espèces de poisson dont plusieurs disposent de potentiel pour le développement de l’aquaculture. Cependant, le constat actuel est préoccupant. La raréfaction du poisson en certains endroits du fleuve affecte profondément les pêcheurs et au-delà le consommateur qui peine à en acheter.

Sur les deux rives du fleuve Niger à Niamey, les filets remontent de plus en plus souvent vides. Jadis florissante, la pêche devient moins fructueuse, ce qui rend également aléatoire cette activité comme moyen de subsistance pour de nombreuses familles. Les pêcheurs témoignent d’une diminution progressive des stocks de poissons, rendant leur travail de plus en plus difficile.

Troisième pilier de l’économie nigérienne après l’agriculture et l’élevage, la pêche a longtemps nourri des milliers de ménages qui dépendaient de cette activité pour leur alimentation et leurs revenus. Malgré les avancées de la pisciculture, qui ont introduit de nouvelles techniques de production de poisson, de nombreux pêcheurs traditionnels continuent d’utiliser des méthodes ancestrales, faute de moyens pour adopter des techniques modernes.

Face à cette crise, plusieurs facteurs peuvent être mis en cause. La surexploitation des ressources halieutiques, les mauvaises pratiques des pêcheurs, les changements climatiques affectant les cycles de reproduction des poissons, ainsi que la pollution des eaux. Pour inverser cette tendance, des solutions adaptées sont nécessaires, notamment la gestion durable des ressources, la sensibilisation des communautés à des pratiques de pêche responsables et le développement d’une pisciculture plus accessible aux pêcheurs locaux.

La pêche au Niger est ainsi à un tournant crucial. Préserver cette activité millénaire exige des efforts collectifs pour garantir sa pérennité et assurer la sécurité alimentaire des générations futures. Mais, comment agir ?

Les pêcheurs face aux défis du secteur 

En cette journée du mois de mai, de nombreux pêcheurs sont visibles au bord du fleuve Niger, certains naviguant en pirogue, d’autres postés sur la rive scrutant les eaux. Tous partagent un même constat. La pêche devient de plus en plus difficile. À chaque lancer de filet, l’attente est longue et, bien souvent, c’est la déception qui en résulte. La prise est maigre, parfois inexistante. D’après les pêcheurs, il n’ y a que deux périodes fructueuses dont la durée est estimée à 45 jours. Ces moments sont situés lors de la progression de l’eau et quand elle se retire, essentiellement au début et à la fin de la saison pluvieuse.

M. Zakari Moussa, jeune pêcheur

Zakari Moussa, pêcheur, la quarantaine revolue, pratique cette activité depuis son bas âge. Ce jour, là il a débuté sa journée un peu tôt. Mais deux heures de temps après, il n’a pas pris  un seul poisson. « Par le passé, quand je suivais mes aînés à la pêche, mon père surtout, nous déchargions jusqu’à deux fois la pirogue de poissons. Aujourd’hui, je passe dix (10) heures de temps sur l’eau, rarement je rentre avec dix kilogrammes. Nous utilisons une seule technique, celle du filet, » explique-t-il. « Nos parents à l’époque n’ont aucune activité en dehors de la pêche. Ils se contentaient uniquement de cette activité qui les nourrissait. Aujourd’hui, moi, si je trouve un autre contrat pouvant me rapporter de l’argent, je pars sans attendre », a fait savoir Zakari Moussa.

M. Boureima Zakou, un pêcheur sexagénaire

« Avec la méthode de pêche à la nasse, nous remplissions de grosses tasses avec du poisson contrairement à aujourd’hui. Mais sa particularité, même avant quand il y avait les poissons en abondance dans le fleuve, les poissons évitent le piège, d’où un faible résultat pendant des saisons, », a déclaré Boureima Zakou, un pêcheur d’une soixantaine d’années qui pratique cette activité depuis 1988. Le pêcheur confie que de nos jours il utilise rarement sa technique d’antan. Il utilise également la technique du filet mais exerce malgré lui cette activité, juste par habitude et parce qu’il n’a rien à faire. « La situation se dégrade de plus en plus. Nous connaissons presque tous les problèmes qui sont dus à la rarefaction et la disparition des poissons », déplore  Boureima Zakou. Cependant, une initiative est à saluer, rétorque le pêcheur. Celle de la patrouille des agents des services de l’environnement, des eaux et forêts qui veillent sur le respect des techniques appropriées pour la pêche. Aucun pêcheur normal n’a de problème avec eux, précise-t-il.

Les causes de la raréfaction du poisson selon les pratiquants

Ousmane Zakari, président de l’Association des Pêcheurs Professionnels du Niger (APPN), énumère une liste de causes expliquant la situation que traverse le secteur de la pêche traditionnelle. Ces raisons sont l’ensablement du fleuve, le changement climatique, les modifications des apports en eau dues aux sécheresses, le manque de barrage sur le fleuve, ainsi que la pollution des cours d’eau qui affecte la biodiversité aquatique.

M. Ousmane Zakari, président de l’APPN

Un autre aspect qui affecte la pêche traditionnelle est la mauvaise pratique de l’activité. En effet, les pêcheurs intègrent des méthodes peu orthodoxes qui défavorisent l’épanouissement des poissons. Parmi ces pratiques, il y a, entre autres, l’utilisation de filets avec des mailles trop petites ou des moustiquaires, capturant les alevins freinant ainsi leur reproduction. La mobilisation en groupe des pêcheurs dans un seul endroit entraîne une surexploitation des ressources. Le barrage artificiel des poissons sur les rives limite leur mobilité et leur reproduction. Chacune de ces pratiques a un impact négatif sur la vie des animaux aquatiques.

Ousmane Zakari évoque le combat que leur association mène contre ces mauvaises pratiques. C’est dans ce cadre que le président annonce qu’ils ont milité pour la proposition d’un projet de loi visant à bannir ces pratiques néfastes dans la pêche et à adopter des sanctions appropriées à l’égard des contrevenants. À ce jour, le projet est adopté et reste en vigueur.

Le principal dispositif réglementaire régissant la pêche et l’aquaculture au Niger est la loi n° 2021-003 du 16 mars 2021 portant régime de la pêche et de l’Aquaculture au Niger et la loi n° 2023-17 du 15 mai 2023 modifiant et complétant la loi pré-citée. Cette loi prévoit, entre autres, les principes du droit de pêche qui obéit à la précaution, la gestion intégrée des zones riveraines, l’approche écosystémique et participative, la transparence, la coopération et le partenariat. Un autre aspect non moins important de cette loi est  l’affirmation que le droit de pêche appartient à l’Etat dans les eaux du domaine public, l’accès aux ressources halieutiques dans les eaux dudit domaine dans les mêmes conditions pour tous les ressortissants des pays membres de l’UEMOA, la protection de la ressource et la protection des investissements dans le domaine de l’aquaculture.

Conscients de la nécessité de préserver les ressources halieutiques, les membres de l’association des pêcheurs œuvrent pour le respect de la loi par les acteurs du secteur de la pêche. Ils organisent dans ce sens des séances de sensibilisation à l’endroit des exploitants des ressources halieutiques afin d’attirer leur attention sur les dangers que certaines pratiques représentent pour la survie de leur activité principale.

Un pêcheur larguant ses filets

Pour pallier les problèmes et promouvoir la pêche traditionnelle au Niger, le président de l’Association des Pêcheurs Professionnels du Niger (APPN) a formulé des recommandations à l’endroit des autorités. « Nous osons espérer qu’un changement significatif sera possible. Nous demandons aux autorités ou aux bonnes volontés de prendre en compte les problèmes liés au fleuve Niger pour une résolution urgente et efficace, de penser à construire des retenues d’eau et des barrages sur le fleuve, d’appliquer des sanctions contre les mauvaises pratiques de pêche adoptées par certains pêcheurs. Notre fleuve est, en grande partie, la survie de notre pays. C’est notre richesse, notre patrimoine culturel et économique, qui a besoin d’être secouru pour le bien de tous et le bon développement du pays »,  lance Ousmane Zakari.

Des actions pour le développement pour la filière pêche et une amélioration de la production selon les statistiques officielles

Toutefois, les statistiques publiées par la direction de la pêche et de l’aquaculture du Ministère de l’Hydraulique, de l’Assainissement et de l’Environnement font ressortir une légère augmentation de la production de poisson ces dernières années. En 2023, plus de 70 000 personnes vivent directement de la pêche au Niger. La valeur de la production annuelle en 2023 est estimée à 72,15 milliards de FCFA. Et la production de poisson par la pêche a évolué de 46 002 tonnes en 2020, à 47 200 tonnes en 2021, puis à 47 552 tonnes en 2022 et 48 100 tonnes en 2023.

Cette source précise que le revenu annuel brut et net d’un pêcheur dans le bassin du fleuve Niger, en période de faible production, est estimé entre 304 350 FCFA et 250 750 FCFA, représentant 85 % de son revenu global.

Dans les mares et retenues artificielles, le revenu d’un pêcheur par saison de pêche, qui dure entre 5 et 7 mois, varie de 150 000 à 800 000 FCFA; ce qui démontre l’importance de cette activité dans la satisfaction des besoins fondamentaux des populations et, par conséquent, dans la lutte contre l’insécurité alimentaire et la pauvreté dans le pays.

 

Mais cela n’occulte pas le problème de la faible production halieutique. Au niveau de la Direction de la Pêche et de l’Aquaculture (DPA), les responsables expliquent que les principales causes de cette faible production halieutique sont, entre autres, le faible niveau de financement de la pêche et de l’aquaculture, la colonisation des plans et cours d’eau par les plantes aquatiques envahissantes, l’ensablement des plans et cours d’eau, la faible disponibilité de services de formation et de vulgarisation adaptés, le caractère artisanal de la pêche, la faible disponibilité des intrants aquacoles de qualité (alevins et aliments) et d’un appui conseil, le faible équipement des acteurs actifs dans la conservation et la transformation du poisson ; la faible organisation des acteurs du secteur, l’insécurité autour de certains plans et cours d’eau, la faiblesse du dispositif du suivi des ressources halieutiques et le dysfonctionnement des structures de recherche-développement en pisciculture et en pêche.

À travers la direction de la pêche du Ministère de l’Hydraulique, de l’Assainissement et de l’Environnement, l’État envisage des perspectives de développement pour la filière pêche via une stratégie mise en place : la Stratégie Nationale de Développement Durable de la Pêche (SNDDP 2021-2035) et son plan d’action 2021-2025.

L’utilisation des filets, un vieille technique de pêche

Cette stratégie prévoit un financement de 21, 865 milliards de FCFA avec comme axe phare les actions d’empoisonnement de plus de 40 mares en 2024 dont 20 mares de la part du Projet de Gestion Intégrée des Paysages (PGIP) et 20 mares de la part du Programme Intégré de Développement et d’adaptation au changement climatique dans le Bassin du Niger (PIDACC/BN). Elle inclut également la formation et l’équipement des pêcheurs et mareyeurs. À ce titre, il est prévu l’élaboration de plans d’aménagement et de gestion de la pêche sur 50 plans d’eau, l’amélioration de la commercialisation du poisson à travers les alliances productives, entre autres.

Aussi, les données de la Direction de la Pêche et de l’Aquaculture indiquent un financement de 1 milliard 250 millions FCFA, dont 700 millions provenant du Fonds de Solidarité pour la Sauvegarde de la Patrie (FSSP) et 400 millions FCFA du Programme de Résilience des Systèmes Alimentaires en Afrique de l’Ouest (PRSA). Ces ressources permettront l’achat de camions frigorifiques et l’achèvement des comptoirs de stockage à l’échelle nationale.

Bachir Djibo et Halimatou M. Harouna (Stagiaire)

Crédito: Link de origem

Leave A Reply

Your email address will not be published.