Le Sénégal entre dans une phase décisive de sa trajectoire économique. Porté par l’entrée en production des hydrocarbures et freiné par une dette publique colossale, le pays vit une transition complexe, où les espoirs de croissance cohabitent avec des fragilités structurelles.
Une reprise tirée par les hydrocarbures
Selon les estimations du ministère de l’Économie et des Finances, relayées par Reuters (déc. 2024), le PIB sénégalais devrait croître de 8 à 9 % en 2025, après un ralentissement observé sur la période 2023–2024. Ce rebond est essentiellement attribué à la mise en exploitation des gisements de gaz naturel et de pétrole offshore.
Parallèlement, l’inflation reste maîtrisée (≈1,5 % en glissement annuel, selon l’ANSD), soutenue par la stabilité du franc CFA, toujours arrimé à l’euro. Néanmoins, le contexte sous-régional marqué par les incertitudes géopolitiques dans la CEDEAO reste une source de volatilité potentielle.
Des finances publiques mises à nu
Un audit récemment commandité par le nouveau gouvernement a révélé une situation budgétaire plus dégradée qu’annoncée. Le déficit cumulé entre 2019 et 2024 aurait atteint près de 12 % du PIB, soit plus du double des chiffres officiels précédents, selon un rapport relayé par Reuters le 14 décembre 2024.
La dette publique, elle, frôle 106 % du PIB, d’après le Fonds monétaire international (IMF Country Report, mars 2025), et le service de la dette absorbe près de 12 % des recettes budgétaires. Face à cela, le FMI a suspendu un décaissement de 1,8 milliard USD, conditionné à des réformes fiscales et une meilleure gouvernance.
Vers une diversification risquée mais nécessaire
Le gouvernement mise sur plusieurs chantiers structurants pour relancer la machine économique : infrastructures énergétiques (centrale de Sambangalou), ferroviaires (TER), et dessalement à Dakar. En parallèle, les transferts de la diaspora (environ 2,4 milliards EUR, soit 11 % du PIB – source : Banque mondiale) demeurent une bouffée d’oxygène, que les autorités souhaitent canaliser vers l’investissement productif via le programme « Banca Diasporea ».
Des fragilités persistantes
Le Sénégal reste confronté à des problèmes structurels majeurs. Le secteur informel concentre plus de 96 % des emplois, selon l’ANSD, et le chômage des jeunes urbains atteint environ 21 % (T2 2024).
Autre enjeu : la surexploitation des ressources halieutiques, dénoncée dans un rapport de l’Associated Press (mai 2024), qui révèle que 57 % des stocks de poissons sont menacés, notamment par des flottes étrangères, alimentant ainsi la migration irrégulière vers l’Europe.
Enfin, les risques climatiques – sécheresse, érosion côtière, baisse des rendements agricoles – pèsent lourd sur l’économie rurale, qui emploie plus de 70 % de la population, selon l’ONU Environnement.
Réformes, transparence et équilibre budgétaire
Face à ces défis, le président Bassirou Diomaye Faye s’est engagé à restaurer la confiance des bailleurs par la transparence des comptes publics, la lutte contre la corruption (le Sénégal a obtenu un score de 45/100 au classement 2024 de Transparency International), et la rationalisation des dépenses fiscales.
Le programme économique national prévoit de ramener le déficit sous la barre des 3 % du PIB à l’horizon 2027, et de stabiliser la dette autour de 75–80 % du PIB.
« Le Sénégal dispose d’un potentiel réel de rebond économique, mais les prochaines années seront décisives. Tout dépendra de la capacité de l’État à traduire la croissance macroéconomique en emploi durable et en justice sociale », explique Marième Fall, économiste au Bureau de la Banque mondiale à Dakar.
Le Sénégal se trouve à un carrefour historique. Entre les promesses de la rente pétrolière et les réalités d’une économie encore vulnérable, la réussite du pari économique reposera autant sur les réformes structurelles que sur la volonté politique de bâtir une croissance inclusive et durable.
Sources principales :
• Reuters, 14 décembre 2024 – Audit budgétaire du Sénégal
• IMF Country Report – Sénégal, mars 2025
• Associated Press, 2024 – Surpêche et migration irrégulière
• Banque mondiale – Données sur les envois de fonds, 2024
• ANSD Sénégal – Statistiques trimestrielles de l’emploi, 2024
• Transparency International – Indice de perception de la corruption 2024
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