Karim Wade, ancien ministre et fils du président Abdoulaye Wade, a été convoqué en novembre 2012 par la Section de recherches de la gendarmerie sénégalaise. En homme de devoir, il a volontairement quitté la France pour répondre à cette convocation. Ce qui devait être une procédure judiciaire classique s’est rapidement transformé en un procès éminemment politique, marqué par des irrégularités flagrantes et une instrumentalisation de la justice à des fins d’élimination d’un adversaire gênant.
Accusé d’enrichissement illicite dans le cadre de la « traque des biens mal acquis » initiée par le régime de Macky Sall, Karim Wade a été jugé par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), une juridiction d’exception dont les principes bafouaient les règles élémentaires du droit à un procès équitable. L’une des anomalies majeures de cette procédure résidait dans l’inversion de la charge de la preuve : c’était à l’accusé de démontrer son innocence, et non au parquet de prouver sa culpabilité. Ce procès fut également marqué par des épisodes rocambolesques, dont la révocation en pleine audience du procureur de la CREI, révélant ainsi la nature éminemment politique du dossier.
En 2015, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a conclu que l’incarcération de Karim Wade relevait d’une privation de liberté arbitraire. Trois ans plus tard, en novembre 2018, le Comité des droits de l’homme de l’ONU a également reconnu que ses droits à un procès équitable avaient été violés. Malgré ces constats accablants, il a purgé une peine de trois ans, endurant avec dignité et résilience l’injustice de son incarcération avant d’être contraint à l’exil au Qatar.
Le cas Karim Wade s’est avéré être le premier acte d’une mécanique implacable d’élimination des opposants politiques sous le régime de Macky Sall. Cette stratégie s’est poursuivie avec la condamnation de Khalifa Sall, ancien maire de Dakar et candidat sérieux à la présidentielle de 2019, qui a écopé de cinq ans de prison pour escroquerie. La même logique a été appliquée à Ousmane Sonko, dont le bras de fer avec le pouvoir et la justice a captivé le pays pendant deux ans. En juin 2023, il a été condamné à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse », le rendant ainsi inéligible à l’élection présidentielle de 2024.
Ainsi, Karim Wade apparaît aujourd’hui comme la première victime emblématique de cette instrumentalisation de la justice à des fins politiques. À ce titre, il est impératif de revisiter les conditions iniques de son procès et de reconnaître l’injustice dont il a été victime.
Le retour de Karim Wade au Sénégal n’est pas seulement souhaitable ; il est devenu une nécessité politique et morale. Le nouveau régime, qui se veut porteur de rupture et engagé dans une dynamique de vérité et de réparation des injustices passées, a déjà affiché sa volonté d’indemniser les victimes des violences politiques survenues entre 2021 et 2024. Il serait donc logique que cette démarche s’étende à Karim Wade, figure centrale de l’injustice du régime précédent.
L’ouverture d’esprit et l’attitude de rassembleur du Président de la République, illustrées notamment par son entretien avec Karim Wade lors de son séjour au Qatar, sont des signaux encourageants. Cette rencontre, à laquelle participait également un conseiller influent de l’Émir, démontre une prise de conscience des enjeux diplomatiques et économiques que représente Karim Wade. Son expertise en ingénierie financière et son important réseau dans les monarchies du Golfe et les milieux financiers internationaux pourraient être des atouts majeurs pour le Sénégal.
Alors que le pays traverse une crise économique sans précédent, marquée par des tensions financières aigües, et que le gouvernement cherche à diversifier ses sources de financement vers l’Asie et le Golfe, l’entregent de Karim Wade constituerait un levier stratégique de premier plan. Son retour ne serait donc pas seulement une question de justice, mais aussi une opportunité pour le Sénégal de mobiliser des ressources essentielles à son développement.
En définitive, réparer l’injustice subie par Karim Wade et favoriser son retour au Sénégal s’inscrit pleinement dans une logique de réconciliation nationale et de redressement économique. L’histoire retiendra que ceux qui ont été victimes hier peuvent être des acteurs essentiels du progrès de demain.
M.Magued Wade
Similaire
Crédito: Link de origem