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Cécile Abadie joue la carte de l’apaisement et incite à la négociation –

Réagissant à la dénonciation unilatérale par le gouvernement gabonais, à l’issue du Conseil des ministres tenu mercredi, de l’accord de pêche, conclu en 2007 entre le Gabon et l’Union Européenne (UE) et dont le dernier cycle, ouvert en 2021 était courait en principe jusqu’en 2026, l’Ambassadrice et Cheffe de la Délégation de l’Union Européenne au Gabon à Sao-Tomé-Et-Principe et auprès de la CEEAC, Cécile Abadie, a accordé une interview exclusive à Gabonactu.com. Cécile Abadie estime qu’il est essentiel dans ce genre de moment de dialoguer. « Le Momentum est là, il était déjà là. Peut-être qu’il y a une sorte d’accélération du calendrier, mais cette disponibilité à échanger et à entrer en négociation est déjà acquise de notre côté », a-t-elle suggéré. Ci-dessous, l’intégralité de cette interview.

Merci pour le chaleureux accueil que vous nous faite dans ces locaux de la Délégation de l’UE à Libreville, Excellence. Dans quel état d’esprit êtes-vous après la dénonciation unilatérale par le Gabon de l’accord de pêche durable renouvelé en 2021 et qui courait encore. Quelle est la réaction de l’Union Européenne ?

Je dirais que c’est une annonce que nous avons accueillie avec surprise, je dois le reconnaître, avec une certaine déception, parce que c’est une coopération ancienne qui a été conçue pour essayer de soutenir un intérêt mutuel, mais aussi avec respect. C’est une décision souveraine de la part du Gabon et chacun de nos pays partenaires dispose de la possibilité de dénoncer cette coopération. Je crois qu’il faut préciser que cette coopération repose à la fois sur un accord, qui est donc une sorte de document cadre qui a été renouvelé tous les 6 ans de manière tacite. Et au sein de chaque accord on peut négocier différents protocoles de pêche qui, eux, précisent les quantités, la rétribution financière, le prix à la tonne, etc.  Donc voilà, je crois qu’il faut se souvenir que cette coopération sur la pêche repose sur deux documents qui ont chacun leurs termes, leur contenu et leur validité. Donc nous attendons aussi de voir si le Gabon dénonce l’accord et le protocole. Ce sont des informations que nous attendons à ce stade.

 Avez-vous déjà été officiellement notifiés de cette dénonciation à ce jour ?

Non, pas encore.

Une séquence de l’entretien dans les locaux de la Délégation de l’UE à Libreville © Gabonactu.com

A la base de cette dénonciation, Mme l’Ambassadrice, que pensez-vous et que dites-vous des griefs qui sont faits à l’Union Européenne par ses partenaires gabonais ?

Je pense que certains des arguments nous paraissent peut- être nécessiter simplement quelques clarifications et un peu d’argumentation, concernant notamment la surexploitation des ressources.

Le protocole de pêche stipule que les opérateurs européens ne peuvent avoir accès qu’à la partie surplus, la partie non exploitée par le pays. Les opérateurs ne peuvent en aucun cas interférer avec la pêche côtière et avec la pêche artisanale. Et les quantités sont basées sur un certain nombre d’avis scientifiques qui sont émis par différentes sources, mais notamment aussi par des organisations régionales de pêche, auxquelles le Gabon fait partie également. Ça, c’est un argument qui peut-être nous a surpris. Ce qui nous surprend moins, parce que c’est un argument que nous entendons sur beaucoup de secteurs, c’est celui qui porte sur la transformation de l’économie, sur ce souhait de voir cette ressource davantage valorisée sur le sol gabonais. Ça, par exemple, c’est un argument que je pense que nous pouvons entendre.

La transformation et la diversification de l’économie gabonaise est un processus que nous pensons non seulement favorable au pays, mais qui n’entre pas du tout en contradiction avec les intérêts européens. Simplement, je crois qu’il faut aussi pouvoir avoir un dialogue sur les conditions et les obstacles potentiels. Vous savez, la coopération sur la pêche repose sur plusieurs acteurs :

Le pays partenaire, les institutions européennes, mais aussi les opérateurs privés. Je pense qu’en l’occurrence que cette discussion serait basée sur les conditions qui encourageraient les opérateurs à effectuer davantage de débarquements au Gabon. Ce sont des informations, je pense, qui seraient précieuses pour essayer de définir des stratégies appropriées pour valoriser le secteur de la pêche.

Cécile Abadie souhaite qu’un nouveau cycle de discussions s’ouvre rapidement © Gabonactu.com

Madame l’ambassadrice, est-ce que le Gabon a réellement l’expertise, les compétences et la logistique qu’il faut pour surveiller et contrôler ce qui se fait par l’Union européenne dans ces eaux territoriales ?

Le Gabon dispose d’une capacité de surveillance. D’abord, c’est important de pouvoir faire le suivi des activités de tous les opérateurs sur votre territoire maritime. C’est important de pouvoir avoir les moyens de lutter contre la pêche illégale qui est un fléau pour de nombreux pays du Golfe de Guinée. En ce qui concerne l’accès des observateurs sur les navires européens, c’est quelque chose qui est tout à fait prévu par notre coopération.

Sur le plan des aspects davantage liés aux infrastructures, c’est là peut-être qu’encore une fois le retour et les avis des opérateurs privés sont importants. Il faut pouvoir, pour effectuer des débarquements dans un pays, disposer des structures, à la fois des structures de débarquement mais aussi des structures de conservation nécessaires. C’est vrai que c’est l’un des éléments qui ressort du dialogue avec les acteurs concernés.

C’est peut-être là où il pourrait y avoir une réflexion sur comment renforcer cette capacité et ces infrastructures qui permettraient d’encourager davantage de débarquements.

Avez-vous un souhait à exprimer Madame l’ambassadrice à ce niveau de crispation des relations avec le Gabon ?

Je pense que notre coopération avec le Gabon est très ancienne et notre coopération sur la pêche est ancienne. Ce n’est pas la première fois qu’il y a ce genre d’échanges, qu’il y a des irritants.

Je ne suis pas inquiète des éléments qui sont mis sur la table par le Gabon. Ce que je pense en revanche qui est très important, c’est que dans ce genre de moment, il est essentiel de pouvoir dialoguer. J’encourage de mes vœux des rencontres que ce soit avec la délégation qui est sur place, bien sûr, mais aussi avec tous nos responsables de la direction des pêches et des affaires maritimes, qui est la mieux à même de pouvoir fournir des éléments d’analyse.

Nous sommes à un moment où nous avons conduit une étude d’évaluation indépendante, à la fois de l’accord et du protocole. Nous étions sur le point de transmettre les résultats aux autorités gabonaises et c’est là, je crois, un élément précieux pour approfondir le dialogue sur ces sujets. Mon souhait, c’est que nous puissions nous mettre autour de la table et discuter de chacun de ces points le plus rapidement, le plus efficacement possible.

 Effectivement, dans sa décision, le gouvernement gabonais se dit ouvert à de nouvelles négociations. Quel commentaire ?

Je pense qu’il est important de garder à l’esprit que l’accord actuel touche prochainement à sa fin. J’ai rencontré madame la ministre en charge de la pêche très récemment, et nous avons déjà évoqué ce sujet, qu’il serait important de rapidement commencer nos discussions sur les négociations d’un prochain cycle de coopération sur la pêche. C’était à l’ordre du jour de notre côté. Le momentum est là, il était déjà là. Peut-être qu’il y a une sorte d’accélération du calendrier, mais cette disponibilité à échanger et à entrer en négociation est déjà acquise de notre côté.

Propos recueillis par Féeodora Madiba et Carl Nsitou

NDLR : Le gouvernement gabonais dit avoir dénoncé l’accord de pêche avec l’UE pour, entre autres raisons, insuffisance de rendement et risque inutile de surexploitation des ressources halieutiques du Gabon. Le Chef de l’Etat a indiqué que cet accord, dans sa formulation actuelle, ne saurait être reconduit en l’état. Il a souligné le caractère profondément déséquilibré du partenariat, dont les retombées économiques pour l’Etat gabonais restent largement insuffisantes, au regard de la richesse extraite de eaux territoriales par les flottes européennes.

Brice Clotaire Oligui Nguéma a notamment révélé que les recettes issues de cet accord ne compensent ni la valeur réelle des captures, ni les coûts assumés par l’Etat en matière de surveillance et de contrôle, ni les pertes de valeur ajoutée dues à l’absence de transformation locale.

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