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Niger : L’Étau se resserre sur les journalistes de Sahara FM, transférés à Niamey

Médias en danger au Niger : des journalistes d’Agadez envoyés à Niamey, l’ombre de la censure plane

Niamey, 14 mai 2025 — Un vent d’inquiétude a balayé le paysage médiatique nigérien. Ainsi, ce matin, trois journalistes de la radio privée Sahara FM, pilier de l’information dans le nord désertique du pays, ont été transférés d’Agadez à Niamey, la capitale, après une semaine d’une détention controversée. Hamid Mahmoud, Mahaman Sani et Massaouda Jaharou, figures respectées de la station, se retrouvent au cœur d’une tempête judiciaire. Leur seul tort apparent ? Avoir relayé une information sensible : une prétendue rupture des accords de coopération sécuritaire entre le Niger et la Russie. Dans un contexte de tensions géopolitiques et de fragilité démocratique, cette affaire soulève des questions brûlantes sur la liberté de la presse sous le régime militaire en place depuis le coup d’État de juillet 2023.

Arrestation des journalistes : la chronologie troublante de l’affaire Sahara FM

Comment en est-on arrivé là ? L’histoire de leur détention, aux contours pour le moins troublants, commence le 7 mai, lorsque Sahara FM, basée à Agadez et membre du groupe Aïr Info, diffuse un reportage inspiré d’un article de l’organe français LSI Africa. Ce dernier évoquait une fin abrupte des partenariats en renseignement militaire entre le Niger, la Russie et la Turquie, ainsi que l’annulation d’un contrat avec une firme marocaine soupçonnée de liens avec des intérêts occidentaux.

Cette information, jugée explosive dans un pays en pleine réorientation stratégique, a provoqué une réaction immédiate des autorités. Celles-ci ont interpellé les trois journalistes entre le 7 et le 8 mai, les plaçant en garde à vue à la gendarmerie d’Agadez. Libérés le 9 mai sans charges après leur comparution devant un juge, leur soulagement fut bref. Dans la nuit du 9 au 10 mai, les autorités les ont arrêtés à nouveau, appréhendant Massaouda Jaharou à 1 heure du matin, puis ses collègues à l’aube.

Ce mercredi 14 mai, l’annonce de leur transfert à Niamey, sous escorte de gendarmes, a jeté une ombre supplémentaire sur leur sort. Selon Aïr Info, les autorités n’ont précisé aucune charge, semant un flou inquiétant. La direction de Sahara FM rapporte que les interrogatoires ont porté sur les motivations de la diffusion du reportage, certains enquêteurs allant jusqu’à insinuer que des tiers auraient payé les journalistes pour propager ces informations. Une accusation grave, mais sans fondement public à ce jour, et cette situation alimente les craintes d’une instrumentalisation de la justice pour museler la presse.

Pivot russe, crispation autoritaire : la liberté de la presse sous haute tension au Niger

Cette affaire s’inscrit dans un contexte de pressions croissantes sur la presse au Niger, marqué par le régime militaire. Depuis l’arrivée en 2023, du général Abdourahamane Tiani au pouvoir, le Niger navigue dans des eaux troubles. Le Niger a rompu avec ses anciens alliés occidentaux, notamment la France, et s’est tourné vers la Russie, accueillant des instructeurs militaires et des mercenaires du groupe Wagner pour contrer les menaces jihadistes dans le Sahel. Ce pivot géopolitique, salué par certains comme un acte de souveraineté, s’accompagne d’une crispation autoritaire. La liberté de la presse, déjà fragile, subit des assauts répétés. En 2024, le Niger a chuté de 19 places dans le classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans Frontières, passant au 80ᵉ rang, un recul attribué aux suspensions de médias et aux arrestations de journalistes.

Sahara FM, créée en 2003 et l’une des voix les plus influentes du nord nigérien, n’en est d’ailleurs pas à son premier bras de fer avec le pouvoir. En 2008, sous le régime de Mamadou Tandja, la station avait été fermée pour avoir relayé des témoignages de victimes d’abus militaires. Sa résilience, portée par des figures comme Ibrahim Manzo Diallo, directeur d’Aïr Info, en fait une cible récurrente pour les autorités. Cette nouvelle affaire emblématique, dénoncée par la Media Foundation for West Africa (MFWA) comme une « atteinte grave à la liberté de la presse », illustre un climat dans lequel le journalisme indépendant est perçu comme une menace.

L’alerte médiatique : solidarité et résistance face à la répression des journalistes

L’écho de ce transfert a résonné bien au-delà d’Agadez, mettant en alerte la communauté médiatique. Sur les réseaux sociaux, des voix s’élèvent pour exiger la libération des trois journalistes. « La vérité ne peut être enchaînée », proclame un journaliste sous couvert d’anonymat, tandis que d’autres appellent la communauté internationale à intervenir. De son côté, la MFWA, dans un communiqué cinglant, a condamné la « nouvelle arrestation » des journalistes malgré une décision judiciaire en leur faveur, y voyant une tentative d’intimidation liée aux tensions diplomatiques avec l’Occident. Le Comité pour la Protection des Journalistes (CPJ), qui suit de près les exactions contre les médias nigériens, pourrait amplifier cette mobilisation internationale.

Dans les locaux de Sahara FM, l’ambiance oscille entre détermination et appréhension. « Nous ne faisons que notre travail : informer », a déclaré un membre de la rédaction, sous couvert d’anonymat. Pourtant, ce travail, essentiel dans une région gangrénée par l’insécurité et les trafics, expose les journalistes à des risques croissants. À Agadez, carrefour migratoire et zone de tensions ethniques, Sahara FM joue un rôle crucial en donnant la parole aux communautés, une mission que les autorités semblent vouloir entraver.

Niger à un carrefour : L’avenir de la liberté d’expression en question

Cette affaire, au-delà du sort des trois journalistes, pose une question fondamentale : le Niger peut-il concilier ses aspirations souverainistes avec le respect des libertés fondamentales ? Alors que le pays s’efforce de stabiliser son nord face aux menaces d’Al-Qaïda et de l’État islamique, la répression des voix critiques risque de fragiliser davantage la cohésion sociale. Le transfert de Hamid Mahmoud, Mahaman Sani et Massaouda Jaharou à Niamey, loin de leurs familles et de leur base, apparaît comme une tentative de les isoler, mais il pourrait paradoxalement amplifier leur cause et l’attention portée à la situation.

En somme, le Niger se trouve à un carrefour. La communauté internationale, les organisations de défense des droits humains et les citoyens nigériens observent avec attention. La libération des trois journalistes de Sahara FM serait un signal fort que le pays, malgré ses défis, reste attaché à la liberté d’expression. Dans l’attente, leurs micros restent muets, mais leur courage résonne, défiant le silence imposé.


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