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Nouakchott : L’ex-président Aziz face à une condamnation historique de 15 ans

Verdict historique en Mauritanie : L’ex-président Aziz condamné à 15 ans de prison pour corruption

Nouakchott, 16 mai 2025 — Dans une salle d’audience tendue de la capitale mauritanienne, un verdict retentissant a scellé le destin de Mohamed Ould Abdel Aziz, ancien président de la Mauritanie. Le 14 mai dernier, la Cour d’appel de Nouakchott a prononcé une peine de 15 ans de prison ferme et une amende de 3 millions de dollars à l’encontre de l’ex-homme fort du pays, reconnu coupable d’abus de pouvoir, d’enrichissement illicite et de blanchiment d’argent. Cette sentence, qui alourdit considérablement les cinq ans infligés en première instance le 4 décembre 2023, marque ainsi un tournant majeur dans l’histoire judiciaire d’une nation où la lutte contre la corruption prend désormais un visage inédit et public.

De la présidence à la prison : au cœur du système de corruption présumé à Nouakchott

À 68 ans, celui qui a dirigé la Mauritanie d’une main de fer de 2008 à 2019, après avoir orchestré un coup d’État sans effusion de sang en 2008, incarne désormais la disgrâce. Les enquêteurs estiment qu’Aziz aurait amassé une fortune colossale de plus de 70 millions de dollars durant son règne, via un réseau sophistiqué de sociétés écrans et de comptes offshore, souvent lié à des contrats publics et des transactions immobilières douteuses. Lors de l’audience du 14 mai, retransmise partiellement par des médias locaux, le procureur Sidi Mohamed Ould Di Ould Moulay a dépeint un système où « la présidence s’est muée en outil de chantage contre les investisseurs étrangers et nationaux ».

L’opération judiciaire d’envergure, entamée dès août 2020 par une commission d’enquête parlementaire, a mis au jour de vastes malversations touchant notamment les revenus pétroliers, la vente de biens publics stratégiques et les activités d’une firme chinoise de pêche ayant bénéficié de faveurs. Aziz, apparu impassible à l’annonce du verdict, voit également ses actifs mal acquis confisqués et ses droits civiques révoqués pour l’avenir. Son gendre, impliqué dans l’affaire pour trafic d’influence, écope quant à lui de deux ans de prison, tandis que six autres hauts responsables de son régime ont été blanchis dans ce procès.

Un procès sous haute tension à Nouakchott : entre règlement de comptes et espoir de justice

Ce jugement en appel, fruit d’un long et complexe marathon judiciaire débuté en première instance en janvier 2023 et conclu après un appel déposé en avril 2025, divise profondément l’opinion publique mauritanienne et internationale. Pour les avocats d’Aziz, comme Maître Mohameden Ichidou, la sentence reflète clairement « une instrumentalisation de la justice par l’exécutif » dans ce qu’ils qualifient de simples règlements de comptes politiques avec l’actuel président, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani.

Jadis alliés et proches collaborateurs, les deux hommes se sont brouillés après la passation de pouvoir en 2019, première transition pacifique de l’histoire récente dans un pays pourtant coutumier des coups d’État militaires. Aziz, qui ambitionnait secrètement de reprendre les rênes du parti au pouvoir, l’Union pour la République, a vu ses aspirations politiques brisées par cette enquête et ce procès.

En face, Brahim Ebety, avocat de l’État partie civile, salue au contraire une décision courageuse qui « établit sans ambiguïté la culpabilité d’un président ayant sciemment pillé les ressources nationales au détriment de son peuple ».

Dans un pays classé 130ᵉ sur 180 au Corruption Perceptions Index 2022 et où plus de 60 % de la population vit encore sous le seuil de pauvreté selon les données de l’ONU, ce procès résonne donc comme un espoir de justice et de reddition de comptes, mais aussi comme un miroir cruel des inégalités socio-économiques persistantes.

Une onde de choc au-delà des frontières : quel avenir pour la Mauritanie ?

Ce verdict sévère, rare pour un ancien chef d’État africain jugé pour corruption et non pour crimes de sang ou politiques, attire inévitablement les regards bien au-delà des frontières mauritaniennes. La dissolution ordonnée de la fondation Errahma, dirigée par le fils d’Aziz, et la saisie spectaculaire de 41 milliards d’ouguiyas (soit environ 100 millions de dollars) d’actifs, dont plus de la moitié lui est directement attribuée, renforcent considérablement la portée symbolique de l’affaire en matière de lutte contre les biens mal acquis.

L’équipe de défense d’Aziz, qui a déjà annoncé son intention de saisir la Cour suprême pour épuiser tous les recours possibles, dénonce par ailleurs des conditions de détention jugées « inhumaines » pour l’ancien président, incarcéré depuis janvier 2023.

Alors que Nouakchott s’éveille en ce matin du 16 mai, l’écho de ce jugement historique résonne encore dans les ruelles sablonneuses de la médina comme dans les salons feutrés du pouvoir et des affaires. Pour beaucoup de Mauritaniens, ce verdict incarne enfin une justice qui ose défier les puissants et mettre fin à l’impunité, mais pour d’autres, il reflète avant tout les luttes fratricides et impitoyables au sein d’une élite politique et économique.

Dans ce pays potentiellement riche en minerais et en gisements de gaz offshore, où une jeunesse désabusée rêve souvent d’Europe face à un avenir national incertain, l’affaire Aziz pose désormais une question lancinante et essentielle : la Mauritanie saura-t-elle véritablement transformer ce précédent judiciaire en un rempart solide et durable contre la corruption à tous les niveaux ? L’histoire, comme le vaste désert qui couvre le pays, attend patientement son verdict final.


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