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Refonder la démocratie gabonaise : le redécoupage électoral comme acte inaugural de la Ve République

20 avril 2025

Le 12 avril 2025, par un acte souverain, le peuple gabonais a consacré Brice Clotaire Oligui Nguema à la tête de l’État, mettant ainsi un terme à la transition entamée après la rupture du 30 août 2023. Ce retour à l’ordre constitutionnel ouvre les portes de la Ve République, appelée à rompre avec les pesanteurs du passé pour offrir à la nation une respiration démocratique, institutionnelle et morale.

Dans ce contexte de refondation, la question du redécoupage électoral ne saurait rester en marge. Bien au contraire, elle apparaît comme le premier test de sincérité républicaine, un révélateur de la volonté réelle de rééquilibrer les rapports entre les citoyens et leurs représentants.

La légitimité d’un régime démocratique ne repose pas uniquement sur la régularité des scrutins, mais sur la justesse de la représentation qu’ils produisent. Or, le découpage électoral actuellement en vigueur au Gabon trahit cette exigence. Issu de l’ordonnance n°0003/PR/2018, ce découpage souffre d’une obsolescence structurelle.

Des écarts abyssaux de représentativité y sont observés : un député peut représenter jusqu’à trente fois plus de citoyens qu’un autre, selon sa circonscription. Une telle inégalité devant le suffrage est non seulement injuste, mais elle porte atteinte à la dignité politique du citoyen gabonais.

Dans une République fondée sur l’équité, chaque voix doit avoir le même poids. Il ne peut y avoir de République unie si la cartographie du pouvoir reproduit les fractures territoriales, sociales et historiques.

Le redécoupage électoral est bien plus qu’un ajustement technique. C’est un instrument de justice démocratique. Il structure la représentation, répartit les ressources, façonne le débat parlementaire et oriente les politiques publiques.

En corrigeant les inégalités actuelles, il permettrait :

 de restaurer la confiance dans le processus électoral et les institutions ;

 de renforcer l’équité territoriale, en adaptant la représentation à la démographie réelle ;

 de favoriser l’inclusion politique, en garantissant que toutes les communautés du pays puissent être entendues.

Cette réforme répond également à un besoin de pacification durable du champ politique. En effet, les distorsions électorales alimentent frustrations, tensions et contestations. À l’inverse, un découpage juste est un rempart contre la violence symbolique et un facteur de cohésion nationale.

Pour être crédible et durable, cette réforme doit s’appuyer sur des normes éprouvées, tant nationales qu’internationales. Plusieurs principes sont universellement reconnus :

1. L’égalité du suffrage : Chaque député doit représenter un nombre comparable de citoyens, avec une tolérance maximale de 10 à 15 % entre circonscriptions, selon les standards de la Commission de Venise ;

2. La régularité du réexamen : Le redécoupage doit être révisé périodiquement (tous les 10 ans), à la lumière des données démographiques actualisées ;

3. La cohérence géographique et sociologique : Respect des bassins de vie, des communautés d’intérêt et de l’accessibilité territoriale ;

4. La transparence du processus : Délibération publique, accessibilité des données et publication des critères retenus ;

5. L’indépendance de l’organe de redécoupage : Une Commission nationale électorale spécialisée, indépendante de l’exécutif, inclusive et pluridisciplinaire, doit en être responsable.

Des pays comme l’Afrique du Sud, le Ghana ou encore le Kenya ont intégré ces principes pour stabiliser leur environnement électoral. Le Gabon, fort de son ambition républicaine, doit s’en inspirer.

L’ouverture de la Ve République offre une fenêtre d’opportunité unique. Pour la première fois depuis longtemps, les conditions sont réunies :

Un Président élu avec une forte légitimité populaire ;

Une volonté affichée de restauration institutionnelle ;

Un dialogue national récent qui a permis un large consensus sur les réformes prioritaires.

Il serait regrettable, voire dangereux, de manquer ce rendez-vous. Un redécoupage électoral équitable, conduit dans les premiers mois du nouveau mandat, constituerait un acte politique fondateur, un geste symbolique fort envers la population, et une déclaration de rupture avec les méthodes opaques du passé.

Le Gabon d’aujourd’hui n’est plus celui des années 1990. L’urbanisation s’est accélérée, les flux migratoires internes ont redessiné la carte humaine du pays, et les attentes citoyennes ont évolué.

Un découpage figé est non seulement injuste, il devient inefficace. Il empêche l’émergence de politiques publiques adaptées aux réalités locales et bloque le renouvellement des élites.

Au contraire, un découpage dynamique, rationnel et équilibré permettrait :

 d’assurer une représentation politique fidèle au pays réel ;

 de renforcer le sentiment d’inclusion dans toutes les provinces ;

 de rationaliser l’action publique à partir d’une base institutionnelle clarifiée.

La Ve République gabonaise ne peut se construire sur les ruines d’un système inégalitaire. Elle doit affirmer, dès ses premières heures, le primat de la justice électorale.

Le redécoupage électoral n’est pas une réforme parmi d’autres. Il est la condition de toutes les autres, car il détermine qui décide au nom de qui.

En redessinant avec justesse les circonscriptions, le Gabon posera un acte de courage politique et de maturité institutionnelle. Il enverra un signal fort : celui d’une République qui ne craint pas de se réformer pour mieux servir, et d’un État qui ne redoute plus la vérité du terrain.

Car, en définitive, refonder la démocratie, c’est rendre au peuple le pouvoir de se reconnaître dans ceux qui parlent en son nom.

Eugène-Boris ELIBIYO

Citoyen Gabonais et Observateur de la vie publique du pays.


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