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Quand le provisoire devient permanent : le RDB change de visage – Gabonews

Quand le provisoire devient permanent : le RDB change de visage

16 avril 2025

Le 12 avril 2025 restera une date historique pour le Gabon. Le Général Brice Clotaire Oligui Nguema, déjà Président de la Transition, remporte l’élection présidentielle avec plus de 90 % des suffrages exprimés. Ce score, aussi massif que symbolique, marque l’adhésion d’une très large majorité de Gabonais au projet de refondation porté par le Rassemblement des Bâtisseurs (RDB), plateforme de soutien électoral formée autour du candidat.

Mais à peine le scrutin achevé, une dynamique nouvelle s’enclenche : le RDB annonce sa transformation en parti politique. Une décision qui soulève, à juste titre, une série de questionnements politiques, éthiques et stratégiques. Car cette mutation semble entrer en contradiction directe avec la déclaration publique du candidat Oligui, faite durant la campagne : « le RDB est une plateforme temporaire, après l’élection chacun regagnera son écurie politique, associative ou syndicale ».

Cette contradiction de fond impose une clarification. Le pouvoir peut-il naître d’un contrat social implicite avec le peuple, et changer de nature aussitôt le pouvoir acquis ?

Dès sa création, le RDB a été présenté comme une coalition transversale, un front républicain pour faire aboutir pacifiquement une transition politique inédite. Elle a rassemblé des personnalités issues d’horizons politiques, syndicaux, associatifs divers, sous une bannière commune : le rejet du système précédent et la volonté de bâtir un Gabon nouveau.

En choisissant d’officialiser le RDB comme parti politique, le risque est grand de faire de ce qui devait être un instrument de rassemblement temporaire une machine électorale durable, avec tous les effets pervers que cela suppose : centralisation du pouvoir, marginalisation des autres courants politiques, et confusion des rôles entre l’État, le parti, et la société civile.

Le passage d’une plateforme électorale à une formation politique demande un socle idéologique clair, des statuts démocratiquement adoptés, une gouvernance transparente, et une capacité à fédérer sans écraser. Or, pour l’instant, le RDB reste une entité sans doctrine formalisée, sans congrès fondateur, sans charte idéologique lisible.

Pourquoi une telle précipitation ? Est-ce une réponse à une base électorale en demande de continuité ? Une volonté de verrouiller l’espace politique ? Ou une stratégie d’absorption des élites en mal de positionnement post-électoral ?

Autant de questions légitimes, au regard de la situation actuelle du pays : attentes sociales fortes, besoins de réformes profondes, mais aussi vigilance accrue d’un peuple qui ne veut plus être dépossédé de sa souveraineté.

Le RDB prétend incarner la rupture. Or, les premiers signaux envoyés par la gouvernance post-électorale appellent à la prudence : recyclage de certaines figures de l’ancien régime, nominations contestées, absence de contre-pouvoirs réels, et tendance à la concentration des décisions au sommet.

Dans ce contexte, la transformation du RDB en parti dominant pourrait être perçue comme une recentralisation du pouvoir, aux antipodes de l’esprit pluraliste et démocratique promis.

À cela s’ajoute une autre interrogation fondamentale : quel avenir pour les autres forces politiques, notamment celles qui ont soutenu le candidat Oligui, sans faire partie organique du RDB ? Seront-elles intégrées ? Marginalisées ? Réduites à un rôle d’appoint sans réelle autonomie ?

L’élection d’Oligui Nguema repose sur une légitimité de circonstance exceptionnelle. Mais une légitimité politique durable ne se décrète pas : elle se construit dans la transparence, le respect des engagements, l’ouverture, la tolérance des divergences et la capacité à incarner une vision commune du bien public.

Si le RDB veut devenir un parti politique crédible, il lui faut :

Clarifier sa ligne idéologique : au-delà des slogans, quelle vision du développement ? Quelle gouvernance économique ? Quelle place pour la décentralisation, l’éducation, la réforme de l’État ?

Institutionnaliser la démocratie interne : un parti sans débat, sans vote libre, sans congrès, est une coquille vide.

S’ouvrir à la critique et à l’alternance : un parti dominant n’est pas forcément un parti démocratique.

Le peuple gabonais a offert une chance historique au Général Oligui Nguema. Il lui a confié la mission de restaurer l’honneur, de moderniser la gouvernance, de relancer l’économie et de réconcilier la Nation. Ce mandat est lourd, mais porteur d’espérance.

Toute ambiguïté, toute dérive, toute récupération politique perçue comme une trahison de cette espérance serait sévèrement sanctionnée par l’histoire.

Il ne s’agit pas ici de juger une intention, mais de rappeler que les fondations d’un nouvel ordre politique ne peuvent reposer sur les pratiques anciennes.

Si le Rassemblement des Bâtisseurs entend devenir le socle d’un nouvel élan démocratique, alors qu’il soit le creuset du renouveau éthique, institutionnel et idéologique, et non le vecteur d’un pouvoir verrouillé sous de nouveaux habits.

Le Gabon de demain ne pourra se construire sans clarté, sans courage et sans cohérence.

Eugène-Boris ELIBIYO,

Citoyen gabonais et Observateur de la vie publique du pays.


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